vendredi 25 février 2011

Voyager, c'est...

«Dans les moments plus difficiles, dis-toi que tu ne fais que vivre une expérience, certes désagréable, mais temporaire. Dis-toi que, tôt ou tard, tu retrouveras la normalité de ta vie, alors que ceux qui t’entourent ne connaissent d’autre quotidien que celui qui te fait souffrir au moment même.»

Quelqu’un, un jour, m’a glissé ces paroles. Des paroles qui suivent tous mes déplacements. Des paroles qui me rappellent à chaque fois la chance que j’ai de voyager. Qui permettent de tout relativiser.

Partir vers l’inconnu est certes excitant, mais n’est pas nécessairement synonyme de vacances. Non, ce n’est pas toujours une partie de plaisir. Il n’y a pas que des plages idylliques en arrière plan. Les paysages ne sont pas toujours à couper le souffle. La nourriture est parfois loin de faire honneur à sa renommée. Le Gravol devient souvent votre meilleur ami. Surtout lors d’interminables trajets d’autobus constitués uniquement de courbes au bord desquelles se dessinent des gouffres sans fond. Les imprévus sont nombreux. Les retards réguliers. Les attentes parfois interminables. Mais les gens souvent accueillants.

Voyager, c’est accepter de ne pas avoir le pouvoir de changer les choses. C’est s’adapter, quitte à le faire en rouspétant. C’est ouvrir son cœur et laisser les différences l’envahir. C’est s’asseoir au milieu d’une place bondée, se taire, écouter et observer. Et apprendre. C’est se frotter aux autres cultures et essayer de les comprendre sans juger. Voyager, c’est rencontrer des visages sans nom qui nous marquent à vie avec un sourire, une simple phrase, une belle histoire. Des personnes qui disparaissent aussi vite qu’elles sont apparues, mais qu’on n’oublie jamais.

Voyager, c’est découvrir le monde. Mais c’est surtout se découvrir. Tester ses limites, développer ses forces, enrayer ses faiblesses. Voyager, c’est vivre.

jeudi 24 février 2011

On ne peut toutes les aimer



Il y a de ces villes, de ces endroits, qui s’avèrent plus difficiles à apprécier. Qui refusent de se laisser aimer au premier regard. Des endroits qui nous pèsent, sans trop qu’on sache précisément pourquoi. Des endroits qui aspirent toute notre énergie, qui usent toute notre patience, qui nous poussent dans nos plus bas retranchements. Qui tombent peut-être au mauvais moment. Qui se présentent à nous alors que nous n’y sommes aucunement préparés.

Hanoi.

Des klaxons incessants envahissant les tympans de tous bords, tous côtés. Des motocyclettes à perte de vue n’arrêtant jamais leur course frénétique. Oubliez feux rouges, trottoirs, priorité aux piétons. Des concepts inexistants, inconnus par les conducteurs. Traverser ici se fait très doucement, sans mouvement brusque. Afin de donner le temps aux motos de vous contourner. Il faut s’élancer dans le trafic, ne pas trop regarder, surtout ne pas penser. Sans trop qu’on sache comment, on se retrouve de l’autre côté de la rue. La première fois, on se pince pour réaliser qu’on est bien vivant. Et on recommence. Sans jamais réellement s’habituer.

Un air irrespirable parce que tellement pollué. Qui irrite les bronches dès le premier contact. On en vient à jalouser les locaux et leurs masques qui couvrent systématiquement leur visage. «Excusez-moi mademoiselle, vous n’en auriez pas un de trop sur vous? J’aime bien le style voyez-vous…». Non, elle n’a pas vu. Mes poumons en ont souffert, c’est peu dire.

Un ciel si gris qu’on en oublie les autres couleurs. Parfois, il a fait gris clair. Souvent gris triste. Ce que j’aurais donné pour un peu de blanc neige.

Une agressivité papable chez les vendeurs ambulants. «You buy!!» Et sinon quoi?! Des commerçants cherchant à vous soutirer le dernier dong qui traîne au fond de votre poche. Un climat de méfiance qui s’installe vicieusement, et gâche tout. On pense être capable de ne pas généraliser. Hélas.

Mais il faut l’excuser. Elle n’a pas que cela à faire, nous séduire. Elle est occupée à rouler, s’enrichir, se mondialiser. Se bâtir une personnalité. Elle n’a pas le temps de s’arrêter, il lui faut produire et vendre. Toujours plus, plus vite.

Pourtant, on n’a qu’à lever la tête pour découvrir des beautés architecturales datant de l’occupation française. On n’a qu’à s’armer de patience pour essayer de se faire comprendre et créer des contacts. J’en ai trop manqué. Si vous y allez, soyez-en avisés.

lundi 14 février 2011

Dancing Queen

Impossible de ne pas la remarquer de loin. Elle possède un je-ne-sais-quoi qui fait tout son charme. Des longs cils enveloppent son regard mélancolique. Un sourire forcé toujours présent, comme si sa bouche était incapable de se reposer, d’être tout simplement neutre. Un corps dodelinant, un faible surpoids, derrière lequel se cachent des muscles renforcés par les années d’exercice. Sociable mais à peine, elle se fera plaisir de vous saluer avant de retourner dans son monde dont elle seule semble connaître les secrets. Un monde où elle bouge de droite à gauche, de gauche à droite, sans arrêt.

Elle bouge, elle bouge. Mais non, en fait elle danse, elle danse. Comme une chorégraphie mille fois répétée, pratiquée, présentée. Jamais elle ne cesse son manège. Un pas en avant, un pas de côté, le corps qui suit, et hop, on recommence. Une danse éternelle qui n’a rien de joyeux. Une danse qui la rend malade, mais qui habite ses veines.

Elle danse depuis l’âge de trois ans. Elle en a quatorze. Elle a été entraînée, forcée à danser. Dans un cirque. Soir après soir. Spectacle après spectacle. Privée de nourriture si elle refusait.

Nol-Pui est une éléphante d’une tristesse infinie. Secourue il y a trois ans, Nol-Pui continue à danser. Comme pour faire foi de ses blessures intérieures. Elle regarde dans le vide. Elle entend sûrement encore la musique dans sa tête. Ses bienfaiteurs pensent qu’un jour, elle cessera de danser. Je n’en suis pas certaine.

On dit que les éléphants ont une âme. Celle de Nol-Pui a été tuée par des humains indifférents et sans-cœur. Elle dansera toujours pour nous le rappeler.

mercredi 9 février 2011

Le conservatisme progressiste


La Thaïlande souffre d’une grave phobie des pieds (podophobie). La pire chose que vous pourriez faire, une fois débarqué ici, ce serait de vous assoir en lotus et de montrer la plante de vos pieds au premier passant. Ou de ne pas vous déchausser avant d’entrer dans un temple. Ou de pointer vos pieds vers une minuscule statue de Bouddha. Mais pire encore, vous pourriez essayer de retenir un billet de 500 baths (la monnaie thaï) avec vos pieds, ce qui équivaudrait à piler sur le Roi. Inacceptable, dans un pays ou Bouddha et le Roi sont des êtres vénérés, respectés et admirés. Cachez ces pieds que je ne saurais voir! Cette partie du corps est sale et mérite d’être dissimulée autant que possible, du moins selon la pensée des Thaï. Avis à tous ces backpackers qui seraient tentés d’accrocher leurs souliers à l’extérieur de leur sac et qui se promènraient ainsi, quitte à toucher avec la semelle sale de leur souliers des purs inconnus dans la rue. Si le royaume de Dieu vous reste peut-être accessible, soyez assurés que Bouddha ne considérera même pas votre candidature dans le royaume du Zen.

La religion et le Roi sont omniprésents. Qu’il s’agisse de temples à presque chaque coin de rue, ou des portraits du Roi affichés un peu partout, il est difficile de ne pas saisir la passion que cultivent les Thaï envers ces figures emblématiques.

Et pourtant. Il y a aussi des ladys-boys qu’on retrouve à chaque deux coin de rues. Des hommes qui ont subi des opérations, ou qui sont en plein de processus de transformation pour devenir des femmes. Il n’y a rien de plus acceptable, de plus «normal», si je puis me permettre, que cela. Des parents qui soutiennent entièrement ces transformations, qui payent pour les opérations, qui sont fiers de leur progéniture. À ce point qu’un troisième sexe existe officiellement dans la langue parlée : kathoey. Il y a une façon de saluer, de remercier, de s’exprimer, selon que l’un soit de sexe masculin, féminin, ou kathoey (transgendre). Ce n’est pas au Canada, pourtant une société considérée comme développée, qu’un tel concept serait accepté, ni même considéré. Ici, le sexe ne représente qu’un choix parfois temporel et souvent interchangeable. Aucun préjugé de ce côté.

Comme quoi un pays ne peut jamais être dépeint d’une façon unique. Parfois il est blanc, souvent noir, mais généralement gris feutré.

vendredi 4 février 2011

Same same, but different.



Une symphonie de bruits d’échappements troués, de freins carbonisés et de suspensions rouillées. Des tuks tuks à perte de vue prêts à vous emmener là vous ne l’avez jamais demandé. Des klaxons qui vous rappellent constamment que le risque de mourir écrasé par un quelconque véhicule motorisé est bien réel, et qu’il serait bien étonnant que celui-ci s’arrête le cas échéant.

Dans les rues, les odeurs de friture se mêlent à celle du poisson, du pad thaï omniprésent et des crêpes aux bananes quelque peu brûlées, mais si délicieuses. Des fruits inconnus appétissants attirent votre regard à chaque mètre parcouru. Tout à coup, vous vous retrouvez à essayer cette nourriture de rue, oubliant toute notion primaire d’hygiène. Cette brochette de poulet ayant passé la journée à fondre au soleil? Bah, elle sera bien grillée, aucun microbe ne survit à un certain nombre de degrés…non? Les fruits sont sûrement lavés avec de l’eau filtrée, que les touristes aiment se dire…peut-être que non, mais comment refuser un jus de papaye fraîchement pressé?

Bangkok est cette ville chaotique et polluée où tout est trouvable et achetable. Elle possède un charme certain, mais il faut savoir la prendre telle qu’elle est. Pleine de contradictions. Choquante et unique à la fois. Les Lady-Boys envahissant le Red Light et les quartiers touristiques en plein jour. Les bars innombrables sont prêts à vous faire boire jusqu’à ce qu’une crise éthylique ou une (trop?) jeune thaï vous transporte dans un monde encore inconnu.

Bangkok est cette ville où les disparités sociales ne sont que trop apparentes. Un centre- ville possédant les plus beaux immeubles à vocation financière, des hôtels plus que luxueux, des centres commerciaux à faire rougir d’envie les plus grandes capitales mondiales de la mode. Et quelques coins de rue plus loin, la détresse. Des personnes vivant dans des tentes improvisées, au bord d’une rivière tellement sale qu’elle en est noire. Qui n’ont même pas les moyens de se payer ces nouilles à un dollar dont nous raffolons devant notre auberge à chaque soir.

Oui, on y trouve de tout. Bienvenue en Thaïlande.